Mon coin lecture

Lus et approuvés

Découvrez ici quelques-uns de mes coups de cœur littéraires récents… et moins récents, mes chroniques littéraires et conseils de lecture

« Saïd » de Fabienne Swiatly – La Fosse aux ours – 2022

« Saïd », un prénom connu, reconnu : le grand frère d’une amie d’enfance, un pote de jeunesse perdu de vue. « Saïd » est resté longtemps sur la table du salon, bien en montre, avec cette jolie fillette rousse qui me fixait d’un air de défi. Puis un jour j’ai ouvert le livre. J’étais prête.
J’ai tout de suite aimé traîner mon ennui estival en compagnie de la jeune fille de la couverture. Cet ennui avait aussi été le mien.
D’origine polonaise, vivant en Lorraine dans un milieu très modeste, la narratrice paye le prix de sa féminité, devant aider sa mère pour les tâches ménagères pendant que ses frères ne font rien et se moquent d’elle. Souvenir d’une époque… révolue ?
Au mois d’août, elle s’ennuie dans un champ, son terrain de jeu. Ce champ est délimité par une frontière matérialisée par un alignement de pylônes électriques. « De l’autre côté du champ jouent des enfants arabes. On ne joue pas avec eux. »
Mais Saïd joue à la balle. Il joue mal. La balle atterrit près de la jeune fille. Elle la lui renvoie. C’est le début d’une amitié fragile entre deux enfants que tout sépare ; une parenthèse estivale qui se ferme à chaque rentrée scolaire, comme si elle n’avait jamais existé. Trop dangereux. « Saïd, c’est comme un secret ». Lorsqu’ils sont ensemble, la fillette et le garçon s’inventent un monde à eux, exempt de racisme, d’exclusion, de cette violence ordinaire qui rythme leur quotidien. Grâce au rêve, aux jeux, aux premiers émois amoureux, ils s’affranchissent pour un temps des limites imposées par leur communauté.
« Saïd » est écrit à hauteur d’enfant dans un style sobre, simple – mais on sait bien le travail et le talent qu’il faut pour atteindre cette simplicité-là. Il est une vérité nue qui nous cueille au plexus quand on ne s’y attendait plus. Longtemps après l’avoir refermé, il nous reste cette sensation de caillou coincé dans la gorge. Et, dans notre cœur, il pleut fort.
À lire absolument.

« Tant qu’il y a de l’amour » de Sandrine Cohen – Editions du Caïman 2022

Roman Sandrine Cohen

Suzanne est belle, désirable. Mais Suzanne est aussi une jeune femme abîmée, cabossée. Elle est ce qu’on pourrait appeler une éclopée de la vie. Suzanne est encore, à 36 ans, une enfant fragile. Privée de socle d’amour, elle n’a pas réussi à grandir.

Suzanne est mère de quatre enfants de pères différents. Elle est gonflée d’amour pour ces quatre-là. Ensemble ils sont comme les cinq doigts de la main. Indissociables. Ensemble ils écoutent des chansons, dansent et se nourrissent de crêpes. Entre eux ils se nomment les mousquetaires.

Suzanne porte en elle plusieurs béances : cet amour incommensurable pour ses enfants qui est pour elle comme un puits sans fond ; cet autre gouffre plus profond, plus obscur, qui lui tient lieu de mémoire : sa boîte noire.

Suzanne aime les hommes qu’elle rencontre. Elle les aime d’un amour absolu. Terrifiant. L’un la cogne, l’autre promet sans tenir. Un troisième s’évanouit dans la nature à tout bout de champ.

Violents, menteurs, absents… les hommes qui prétendent l’aimer le lui montrent bien mal. A chaque nouvelle déception, à chaque nouvelle déchirure, le cœur de Suzanne saigne. Un peu plus chaque fois.

Et parfois, Suzanne ne supporte même plus ses gosses.

C’est alors que les traumatismes du dehors vont venir percuter ceux du dedans.

Pour Suzanne et ses enfants – Achille, l’aîné « perdu dans son corps » qui est aussi l’homme de la maison, Jules au père défaillant, Arthur le zèbre et la petite Mathilde dont le sourire lumineux est une consolation universelle – les événements de novembre 2015 vont marquer un tournant décisif.

Les membres de cette famille vont vivre un drame immense, un drame inouï. Et se serrer les coudes comme jamais, pour tenir. Liés à jamais par un terrible secret coulé dans le ciment de leur amour mutuel.

Leur histoire est jalonnée de rencontres. Rencontre avec Ismaël l’amoureux inconstant, l’enfant blessé, le grand frère aidant, le terroriste présumé. Rencontre avec cette mère douce et meurtrie dont la fille vient d’être tuée au Bataclan. Rencontre avec la justice, parfois bienveillante, parfois accusatrice mais toujours trop rigide au regard de la réalité enfantine. Rencontre avec la mort. Avec la mer, aussi.

Jamais manichéenne, jamais jugeante, Sandrine Cohen décortique avec une grande finesse la psychologie de chaque protagoniste. Tous ses personnages possèdent leur part d’ombre et de lumière. Certains sont capables de revirements surprenants.

A travers cette histoire qui prend sur la fin des allures de road-movie, l’autrice réussit le prodige de nous émouvoir, nous agacer, nous attendrir, nous révolter, interroger nos convictions, nos aprioris…

Grâce à un style direct qui nous plonge en permanence au coeur de l’action et dans la tête des protagonistes, elle parvient à nous tenir en haleine tout au long du récit.

Un roman qui prend aux tripes.

« Lëd » de Caryl FereyEditions Les Arènes 2021 / accessible en livre de poche chez « Pocket »

Lëd de Caryl Ferey avis littéraire

Je viens de terminer LËD, un polar paru en 2021 de l’écrivain voyageur Caryl Ferey (avec qui j’ai eu la chance de discuter lorsqu’il est venu à Villefranche, à la Librairie des Marais puis à la médiathèque).
Un régal ! Une ambiance glaçante, des personnages habités, des rebondissements sidérants. Ce livre baigné par l’âme slave (pour moi : excès et poésie, autodérision et fatalisme, grand sens de la beauté et du tragique, de la beauté dans le tragique et du tragique dans la beauté) est de surcroît une ode à la tolérance envers tous ceux qui ne rentrent pas dans les cases où d’aucuns voudraient les enfermer, à commencer par les homosexuel.les. En cela, ce livre est universel.
J’ai également découvert grâce à Caryl Ferey, dans ce polar qui fait la part belle à l’Histoire, un pays ; et une région – la Sibérie – d’où ne l’on ne revient pas indemne, même si on l’a visitée uniquement à travers un livre.
Et puis l’écriture est belle, nerveuse, travaillée. Poétique. Un régal je vous dis.
Amateurs, amatrices de polars – ou pas – plongez sans hésiter au cœur de l’enfer sibérien, là où la noirceur des hommes le dispute à la blancheur des glaces ! Car l’amour, envers et contre tout, y demeure.

« Corps flottants » de Jane Sautière – Editions Verticales 2022

Corps flottant coup de coeur lecture Jane Sautière

Bien sûr des images…
Bien sûr des sensations…
Ce titre, « Corps flottants » n’est-il pas déjà cela : une image et une sensation ?

En évoquant l’œuvre de Marguerite Duras, l’écrivaine Jane Sautière que j’ai eu l’heur de rencontrer par le passé, écrit : « Il me faut exprimer mon amour […] je ne peux pas faire autrement. Je le fais avec des mots superlatifs sans relief, on voit bien qu’on trahit dès lors qu’on parle des livres essentiels. »
Alors trahirais-je « Corps flottants » en affirmant que ce livre m’a bouleversée ? Sans aucun doute. Tant pis. Je ne trouve pas de vocable plus original, ni plus juste pour dire mon émotion, mon plaisir, ma délectation… mon « retournement » à la lecture de ce livre.

Bouleversée je le suis. Mais pourquoi ?

Parce que je me retrouve, dans ce « défaut de présence au monde » vécu par la narratrice, parce que je me reconnais dans cette mémoire mutilée qui floute le passé et n’en laisse que des « traces, des « ombres projetées » ?
Parce que je suis happée par l’exotisme, par cette adolescence extra-ordinaire vécue au Cambodge, là où « tout migre et fluctue » ? Ravie de déguster ces fruits à nom d’oiseau, « longanes […], ramboutans […] sapotilles… » et ces « pommes-cannelles, fruits du dragon… » qui sont à seuls un voyage et un arc-en-ciel ?
Parce que la jeunesse, la sensualité, l’apprentissage de la séduction, « l’exaspération du frottement », « le puissant dieu Éros » ?
Parce que je suis sensible à la conscience sociale de la narratrice, à son humanité, à la femme adulte qui se retourne sur son passé de jeune expatriée (« Les petits Blancs, jusqu’à la caricature ») et en comprend « trop tard », les enjeux. Mais peut-être,écrit-elle, « peut-être n’y a-t-il jamais rien de trop tardif pour réaliser les horreurs de l’Histoire ? » ?
Parce que les corps flottants, tour à tour tâches, cigarettes, cicatrices ou fantômes… créent tout autour de moi un halo persistant qui colore ma lecture d’une émotion nouvelle ? Parce qu’à flotter avec l’autrice dans « la fumée du rêve », j’ai cette vision, personnelle et singulière, d’une silhouette dissimulée par des voiles vaporeux, une mariée endeuillée – tulle blanc, crêpe noir – trainant dans son sillage des lambeaux de silence, des souvenirs effilochés, des regrets à la pelle ?
Parce que le romanesque d’une mère qui brode sa vie dans « son théâtre d’ombres », l’alcool, le besoin de plaire « par-dessus les deuils » et aussile désir interdit à sa fille : « le désir tue » ?
Parce qu’un jour, le silence tombe ? Parce que je me sens nue, démunie,  effarée, assommée tandis que se déroule devant la narratrice « la pelote des spectres » ? Parce que la perte, parce que les liens du corps, les « liens du sang », parce « survivre est fatalement une faute » ?
Parce qu’il y a cette langue-là, enfin, semblable à aucune autre, cet art de ciseleuse cultivé par Jane Sautière, ces expressions, ces mots sans cesse questionnés sur leur sens premier, ces phrases si affûtées qu’elles atteignent le cœur sitôt qu’on les effleure ?
Parce que…

Je ne sais pas vraiment pourquoi ce livre m’a bouleversée. Je n’ai pas envie de le raconter – je ne saurais pas. Mais je pense qu’il s’agit d’un de ces livres essentiels qui marquent leurs lecteurs ; et leurs lectrices.

« Minuit dans la ville des songes » de René Frégni – Gallimard 2022

C’est l’histoire gorgée de soleil d’un minot marseillais un peu voyou sur les bords, qui voue une tendresse folle à sa mère. C’est l’histoire d’un jeune homme allergique à l’école et à l’armée, familier des cachots et des planques hasardeuses, que les mots ont sauvé. C’est l’histoire d’une rencontre tardive, carrément improbable mais ô combien passionnée, d’un prisonnier épris de liberté avec les personnages de Giono, Camus, Maupassant, Dostoïevski et tant d’autres…C’est l’histoire d’un jeune homme non-bachelier, ex-détenu, déserteur… qui côtoie autant la pègre que les hippies, sacré un jour professeur dans un petit bistrot de Provence. C’est l’histoire d’un club de lecture sous les pins dans un asile psychiatrique, dans « l’odeur sucrée des genêts », une bouffée de mots pour des malades corrodés par l’ennui. C’est l’histoire d’un grand lecteur devenu écrivain pour tracer son chemin à l’encre violette sur la petite table d’un cabanon des collines, qui a écrit pas moins de 4 romans avant de trouver un éditeur. C’est l’histoire cafie de tendresse d’un petit Marseillais à la vue défectueuse qui voulait tant faire plaisir à sa maman et qui, pour elle, écrivit des romans. C’est un livre écrit dans une langue solaire où l’âpreté côtoie le sublime, où la beauté rude des paysages fait oublier la bêtise et la cruauté des hommes, un voyage sans frontières ni barrières, un poème charnel, une ode à la nature, à la mer, un chant de vie. Une fugue essentielle.

chronique littéraire coin lecture

« La patience des traces » Jeanne Benameur, éditions Actes Sud 2021

Dans La patience des traces, Simon, psychanalyste, ressent le besoin de faire une pause et s’évade vers le Japon. Son voyage résonne comme une quête intérieure.
L’écriture de Jeanne Benameur a l’éclat irisé de la nacre, la délicatesse d’une porcelaine, l’épure du haïku. Elle est souffle et silence. Elle affleure par petites touches à l’essence des choses. Au fil des pages, une fleur « magnifique, d’un rouge intense » apparaît. Elle continuera longtemps à s’épanouir en nous.

« Les Corrections » J. Franzen / « La nuit. Le sommeil. La mort. Les étoiles » J.C. Oates

Famille, je vous « haime » : 2 livres forts a découvrir

Un hasard de calendrier et d’anniversaire m’a amenée à lire coup sur coup deux « pavés » littéraires américains (900 et 700 pages environ), « La nuit. Le sommeil. La mort. Les étoiles » de JC Oates paru en 2021 aux éditions Philippe Rey et « Les corrections » de J. Franzen sorti en 2001 aux éditions de l’Olivier, à 20 ans d’intervalle donc, dans lesquels j’ai noté plusieurs correspondances.

Des thèmes similaires

Si l’écriture et le style, qui m’ont happée dans les deux cas, sont très différents, si l’époque décrite n’est pas la même (chacun de ces deux opus capturant toutefois admirablement l’air du temps), si la construction du roman de Franzen est peut-être plus exigeante encore que celle de Oates avec son lot de digressions et d’analepses, j’ai été frappée par la similitude des thèmes abordés : la vieillesse, la maladie, la déchéance, la mort… corrélés avec le thème prédominant de la famille et sa farandole de jalousies, rivalités, préférences, incompréhensions, règlements de compte, haines, alliances (souvent mouvantes) entre frères et sœurs, 5 d’un côté, 3 de l’autre.

Le deuil des patriarches

Les pères – déjà des grands-pères – y sont des figures d’autorité, dés patriarches qui tiennent une place prépondérante au sein du clan familial : l’un va être victime d’un violent acte raciste et disparaître peu après, l’autre va sombrer peu à peu dans la démence. Leurs épouses vont chacune devoir faire face au deuil d’un homme qu’elles ont aimé certes, mais dont elles ont longtemps été sous la coupe. Elle vont devoir apprendre à composer avec le vide laissé par leur absence physique ou mentale, apprendre à survivre, à se reconstruire malgré la perte et la tyrannie d’un défunt toujours bien présent ou d’un vivant absent à lui-même, elles vont devoir accepter de devenir qui elles sont et s’armer pour résister à leurs enfants devenus adultes, pétris de peurs, de contradictions, d’idées reçues, souvent prompts à leur dicter leur conduite – et ce ne sera pas tâche aisée.

On retrouve parmi la progéniture des deux couples des profils un peu similaires, du « bon fils » bien dans les clous (là un héritier modèle, ici un banquier) à « l’électron libre » à l’âme artiste – homosexuel non assumé pour l’un ou professeur raté et magouilleur pour l’autre – dont la marginalité désoriente voire agresse leurs proches. Mais ce n’est qu’un postulat de départ, chacun des personnages, jamais manichéen, va révéler sa part d’ombre ou de lumière au fil de l’histoire.
Les filles, marquées par la figure paternelle, en quête de son admiration, semblent également en déroute, deux d’entres elles assumant brillamment des postes à responsabilité mais dérivant dans leur vie personnelle quand une autre s’efforce de devenir une bonne épouse et mère. Une dernière s’éprendra d’un homme beaucoup plus âgé qu’elle.

Mon avis

Malgré quelques longueurs, je vous invite à découvrir ou redécouvrir ces deux romans.
Une légère préférence pour ma part pour le roman de Oates, un peu plus accessible du fait d’une construction moins « accidentée » et de sa finesse psychologique, mais le livre de Franzen, qui fait la part belle au contexte politique et social, pratique un humour grinçant et fait preuve d’une empathie extraordinaire quand il décrit les délires démentiels de son personnage, n’en demeure pas moins incontournable.
Merci à JM Debilly et Mohammed El Amraoui pour ces cadeaux de poids

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Vertige de l'hélice

« Vertige de l’hélice » Vincent Borel – éditions Sabine Wespieser
Vincent Borel, auteur de « Vertige de l’hélice », un homme d’une érudition musicale remarquable, nous a charmés par son naturel et sa faconde lors d’une rencontre à la Librairie des Marais, orchestrée par Bertrand Lamure avec le talent qu’on lui connaît.
« Vertige de l’hélice » capture des instants volés de la vie du célèbre compositeur Camille Saint-Saëns, qui, au mitan de sa vie, s’est embarqué de façon anonyme vers la lumière et l’Azur, fuyant tout à la fois une épidémie, un deuil douloureux et les tracas liés à son travail à l’Opéra – tous thèmes qui entrent en résonance avec l’époque actuelle.
L’histoire d’un homme en proie au burn-out donc, selon Vincent Borel, qui nous conte cette échappée belle dans une langue éminemment poétique, non dénuée d’humour, un langage « pictural » et musical aux accents voluptueux.
« Vertige de l’hélice » est un livre propice à l’évasion, il est un souffle, un baume, un répit dans nos vies malmenées, une invitation au voyage.

Mon coin lecture : la soustraction des possibles chronique littéraire

« La Soustraction des possibles » Joseph Incardona- éditions Finitude
Tel un virtuose, Joseph Incardona jongle dans ce livre avec les codes narratifs, bouscule et bascule les points de vue, poétise et dépoétise dans le même mouvement, soliloque, théorise, digresse ouvertement, théâtralise les dialogues, joue avec ses personnages, les excuse ou les prend en grippe, s’adresse à eux pour les mettre en garde, leur prédit un avenir inéluctable, disserte sur la notion de destin.
Au lecteur il assène des vérités toutes crues parfois dures à avaler, il fait la part belle à la littérature et en dénonce dans le même temps les poncifs… Il n’est jamais là où on l’attend.
Ce livre n’est pas qu’un livre, il est une danse tragique et folle qui se joue sur fond de déterminisme social, une valse implacable et jouissive qui s’emballe puis se rétame . Au début on peut être dérouté par cette écriture atypique mais un petit conseil : laissez-vous embringuer. Je vous promets que ça va swinguer !

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Ce qu'il faut de nuit coup de cœur littéraire

« Ce qu’il faut de nuit » Laurent Petitmangin – édition La Manufacture de livres. À lire absolument !
Dans une langue si fluide et ciselée qu’elle paraît simple alors qu’il n’en est rien, Laurent Petitmangin nous conte le devenir d’un père veuf et de ses deux fils, adolescents puis adultes. Les personnages de ce livre vivent dans le quotidien le plus ordinaire, sans jamais tomber dans la caricature ou le prêt-à-penser. Au fur et à mesure que le père vieillit et que ses fils grandissent, chacun bricole sa vie comme il le peut, comme il la pense juste. Les trois hommes restent unis par un amour familial incommensurable malgré les convictions contraires, les doutes, les désillusions et les drames qui jalonnent leur histoire. Tout est sensible dans l’écriture sans fard ni pathos de Laurent Petitmangin ; rien n’y n’est jamais ostentatoire. Et de cette sobriété maîtrisée naît une émotion si forte qu’elle vous coupe le souffle à chaque page. Ce roman-là se lit d’un trait, avec avidité et vous laisse admiratif, bouleversé et pantelant : un vrai coup de foudre !

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Terres Fauves Livre Patrice Gain édtions le mot et le reste

« Terres fauves » Patrice Gain – édition Le Mot et le reste
Un roman de « nature-writing » haletant – entre thriller et polar noir – une ambiance sauvage et bluesy, sans concession, servie par un style poétique et puissant, un suspens constant habité par un antihéros confronté bien malgré lui à la nudité rude des grands espaces, une immersion nivéenne dans le cœur d’un homme, voilà ce qu’est pour moi « Terres Fauves ».
(J’ai eu la chance, il y a quelques mois, de rencontrer Patrice Gain lors d’une signature à la librairie des Marais puis de déjeuner avec lui, de l’entendre évoquer sa passion de la montagne et également son approche de l’écriture. Un homme très sympathique et intéressant).

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Livre book Actes Sud Lenot conseil de lecture Actes Sud

« Ecorces vives » Alexandre Lenot – édition Actes Sud
Un livre à feu et à cendres qui vous prend à la gorge et vous entraîne aux confins du conte par quelque sorcellerie langagière. Une poésie âpre pour dire la démolition et la reconstruction, le désir et la rage, ces deux jumeaux d’acier qui ferraillent dans le cœur des hommes blessés d’ennui ou rongés par le ressentiment. Désertée, la nature s’ensauvage et fait corps avec les âmes meurtries, la forêt leur est refuge, les rochers cachette, les ronces protection. Car le vrai danger est à la ville, là où pullulent les prédateurs. Un roman cicatriciel.

My absolute darling livre book Gabriel Tallent édition Gallmeister

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« My Absolute Darling«  Gabriel Tallent – édition Gallmeister
Absolument terrifiant, terriblement addictif, précis jusqu’à l’os, éminemment poétique et cruel.
A lire si vous avez le cœur bien accroché !

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Et aussi…

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Du côté des polars et romans noirs

« Haïku » Eric Calabatra – éditions du Caïman
Superbe !

« Brasier noir » Greg Iles – éditions Babel noir
Dévoré.

« Rosine, une criminelle ordinaire » Sandrine Cohen – éditions du Caïman
Un polar psychologique particulièrement prenant. Grand Prix de la littérature policière 2021.

« L’île des chasseurs d’oiseaux, L’homme de Lewis, Le Braconnier du lac perdu » – Peter May (trilogie écossaise)
Quelles lumières !

« Total Khéops, Chourmo et Soléa » – Jean-Claude Izzo (trilogie)
Mes 3 chouchous.

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Du côté des romans…

« Ceux qui partent » Jeanne Benameur – éditions Actes Sud

« Au revoir là-haut » Pierre Lemaître (prix Goncourt 2013) – éditions Albin Michel
Son nom parle pour lui. On se régale.

« Broadway » Fabrice Caro – éditions Gallimard
Il y a longtemps que je n’avais pas ri autant en lisant un livre… depuis Trois hommes et un bateau je crois.

« Arcadie » Emmanuelle Bayamack-Tam – édtions P.O.L
Drôle, féroce, mordant, subversif… ce sont les premiers adjectifs qui me sont venus à l’esprit après avoir lu Arcadie : un livre au vocabulaire incroyablement riche qui mêle français soutenu et langage de charretier, circonvolutions littéraires et argot de bas-étage, poésie et langue verte… et qui ne s’embarrasse surtout pas de tabous ni de lieux communs. Les titres de chapitres sont empruntés à des auteurs connus, ainsi que certaines citations, si bien intégrées dans le récit qu’elles connaissent ici une nouvelle vie.

« Fragmentation d’un lieu commun » et « Nullipare » Jane Sautière, éditions Verticales

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Mes incontournables / indémodables

« Lignes de faille » Nancy Huston

« Le Monde selon Garp » John Irving

« Le Carnet d’or » Doris Lessing